mardi 7 juin 2011

Los Chapines (partie 2): Les imprévus

"Maintenant? On part maintenant?", je demandais à quelques collègues de travail. "Mais on avait dit qu'on partirait jouer au fútbol (soccer) à Ixcán seulement vers 16hoo. Il n'est que 13h30! Je ne suis pas prêt. J'ai encore du travail à compléter." L'un d'eux, Francisco, m'a répondu, "Allez embarque! Dépêche-toi. Va préparer tes affaires on t'attend."

Imprévu (une définition): Qui arrive sans avoir été prévu et qui déconcerte


Me voici dans la boîte d'un pick-up avec Francisco. On se rend à Ixcán pour jouer au fútbol (soccer).

Chers lecteurs passionnés et assidus, je vous présente le deuxième d'une série de courts textes sur les Chapines. Lors du premier texte j'avais décris l'origine du mot Chapin ainsi que quelques-unes de leurs expressions typiques. Cette fois-ci je vous parle du monde imprévu des Chapines. À noter que le contenu de mes textes sur les Chapines est une opinion personnelle et qu'en aucun cas mon intention est de dresser un portrait général de la population Chapin au Guatemala.

Pour ceux et celles qui n'auraient pas lu le premier texte: "Los Chapines (partie 1): Préface", ou qui ne s'en souviennent pas, la dénomination Chapin est utilisée pour nommer les habitants du Guatemala. On appelle les hommes Chapines, et les femmes Chapinas.

Maintenant revenons au sujet du présent texte: Los imprevistos (les imprévus). Contrairement au monde des attentes, qui selon moi ne renferme aucune surprise et qui est plus ou moins excitant, le monde des imprévus est surprenant et magique. Lors de mes premiers mois au Guatemala il me semble que j'ai vécu une quantité innombrable d'imprévus. Tellement, que dès mon début ici, j'avais qualifié le Guatemala d'un pays où "Nunca se sabe" et "Todo es posible". Ce qui veut dire, en français, que c'est un pays où l'on ne sait jamais ce qui peut arriver et que tout est possible.

Dans un pays où reigne une instabilité politique, économique et sociale, au Guatemala les imprévus font partis de la vie courante. Ce qui fait que les Chapines et Chapinas sont des gens conditionnés à ceux-ci. Je crois que l'indicateur qui me permet de constater que les Chapines sont adaptés aux imprévus est qu'il ne se plaignent pratiquement jamais. Ce qui veut dire qu'ils ont développés l'art d'accepter la situation qui se présente, quelle soit positive ou négative.

Voici quelques exemples:

1) Du jour au lendemain, suite à un incident violent, le gouvernement déclare l'état d'urgence ou "estado de sitio", ce qui enlève les droits constitutionnels aux citoyens.

2)La pluie diluvienne a rendu les chemins de graviers boueux et glissants, c'est alors que lors de l'ascencion d'une colline, le conducteur s'arrête et invite les passagers à sortir, de se placer derrière le bus et de le pousser, car avec le poids des bagages et des gens il ne réussi pas à rouler jusqu'au haut de la pente.

3)Lors des campagnes présidentielles, les candidats pigent dans les budgets nationaux et soudainement il n'y a plus d'argent pour payer les salaires de certains fonctionnaires publiques, comme les professeurs, les gardiens de parcs naturels, etc...

4)Le minibus s'arrête subitement, loin de la destination finale, et le conducteur avise les passagers qu'une manifestation bloque la route. C'est alors qu'il nous indique qu'on doit descendre du minibus et traverser à pied la zone de manifestants afin de prendre un autre minibus de l'autre coté.

5)La communication informelle est encore la forme verbale la plus utilisée et répandue au Guatemala, ce qui veut dire que si les coopérants-volontaires (comme moi) ou les nouveaux employés ne sont pas au centre du cercle de confiance, ils ne seront pas avisés d'une multitude de nouvelles et d'activités.

6) Je suis assis à la table de la cuisine avec mon ordinateur quand j'aperçois dans la maison une rencontre émotionnelle entre deux poussins qui s'étaient perdus (voir la vidéo: http://www.youtube.com/watch?v=7OSplvlELAg )

7) Avant de prendre une douche, j'étire le bras afin de fermer le rideau quand soudainement j'aperçois coller sur celui-ci une belle grosse grenouille jaune qui me regarde.

8) Après avoir passé 68 heures sans électricité, deux jours plus tard une petite pluie réussie à quitter de nouveau l'énergie électrique pour "dieu sait combien longtemps!"

9) En pleine nuit je me réveille rafraîchit par des gouttes froide, et là je réalise que la pluie passe à travers le toit de tôle au-dessus de mon lit. Je grogne de rage un peu, me couvre le corps et la tête avec le drap, et retombe endormi.

10) En attendant de prendre un minibus, j'étais dehors, debout au comptoir d'un petit magasin, et je buvais une boisson gazeuse. Tout à coup j'aperçu un petit poussin rose. "Tu rêves!", m'ont dit mes copains.



11) À Salacuim, afin de faire entrer le vent, qui de toute façon n'existe pas ici, nous vivons avec les portes ouvertes ce qui veut dire qu'à tout moment nous reçevons de la visite à l'improviste. La plupart du temps ce sont des enfants qui viennent nous vendre un fruit ou une autre nourriture locale. On en profite alors pour pratiquer la langue Q'eqchi', offrir des classes de danse style libre (voir la vidéo: http://www.youtube.com/watch?v=c8JlEV-9-9A), préparer un jus de fruit (licuado) et du maïs soufflés (poporopos), ou organiser des sessions de lecture (voir les photos).


Photo #1: Les petits mangent le maïs soufflés (de g. à d.): Jackson, Claudia, Vilma Judith, Vivian et Maria Fernanda et Photo #2: Une session de lecture

Ceci est seulement un échantillon des évènements imprévus que j'ai vécu et que vivent quotidiennement les Chapines.

Personnellement j'adore les imprévus. À chaque fois que j'en rencontre un j'essaye d'observer la magie qui va en sortir. Selon moi, la majorité des imprévus nous réservent une surprise positive. Que ce soit une rencontre innatendue dans un pays lointain, la découverte d'un lieu incroyable après avoir choisi le mauvais chemin, ou une soirée à jouer aux cartes en familles suite à une panne électrique. Pour moi le monde du "nunca se sabe" et "todo es posible" est fascinant. Certes je comprends et admet que les imprévus difficiles, tels les accidents mortels, les maladies graves ou autres incidents malheureux sont durs à prendre. Mais peut-être eux font-ils plus partie du destin et non des imprévus.

Alors puisque les imprévus me rendent heureux, je peux dire que je suis tombé dans le bon pays afin de vivre une expérience des plus enrichissante. Vive le monde Chapin!

LES IMPRÉVUS:
À l'heure de l'imprévu
C'est l'appel de l'innatendu
Sera-t-il notre ennemi ou notre ami?
Vous choisissez: la déception ou la magie

L'imprévu nous dégourdi le corps
Lorsqu'il arrive, les dents on se les mords
Mais peu à peu apparaît le sourire
Et comme certains Chapines, pourquoi pas en rire

Après l'imprévu on est davantage réveillé
Soudainement on revient à la realité
Cette realité du moment présent, où
La planification, les attentes ne valent pas un sous

L'imprévu est porteur de conseil,
Ouvrez grand les yeux et les oreilles.
Et tout comme le ferait un vieux sage
On doit apprendre à tourner la page

L'imprévu il faut l'écouter
Il faut aussi savoir l'apprécier

Il est donc aussi un professeur
Les leçons de la vie sont à l'honneur

À l'intérieur de chaque seconde,
Peu importe où l'on est dans le monde,
Est disposer notre ami l'imprévu

Toujour prêt à sortir afin d'être vu

Est-il un malcommode ou un gêné?
Jamais pouvons-nous déterminer,
Ou connaître le moment précis

Où il va nous saluer comme par magie

Stéphane Lapointe, Guatemala Juin 2011